Les chauffages au mazout en fin de vie ne sont souvent que remplacés
ProClim Flash 77
Souvent, les propriétaires suisses de maisons ne planifient des rénovations énergétiques que lorsque des éléments défectueux doivent être remplacés. S’ils étaient mieux informés des possibilités de rénovation et des subventions, ils agiraient peut-être plus tôt.
Texte: , EPF de Zurich
Environ 40 % de la consommation totale d’énergie finale Suisse dépend du secteur du bâtiment.1 Ce domaine joue donc un rôle important dans la transformation du système énergétique. En Suisse, environ 55 % des installations de chauffage sont au mazout ou au gaz actuellement. Le passage à des systèmes de chauffage écologiques, ainsi que l’assainissement énergétique des immeubles, notamment par l’isolation des façades, sont des leviers importants pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2. Or, le taux d’assainissement est faible en Suisse.
De 2010 à 2020, le Programme Bâtiments, un instrument central de la Confédération et des cantons pour encourager les assainissements énergétiques, a subventionné près de 135'000 projets et versé 2,3 milliards de francs d’aides financières.2 À noter que dans le passé, les subventions du Programme Bâtiments n’ont souvent même pas été pleinement utilisées. Avec le taux de rénovation actuel d'environ 1,5 % par an, il est impossible de contribuer suffisamment à la transformation du système énergétique – il faudrait accélérer massivement ce processus.3
Pour comprendre pourquoi le taux d’assainissement est si faible, le Centre for Energy Policy and Economics de l’EPF de Zurich a mené une analyse sur les facteurs influençant les investissements dans l’efficacité énergétique des maisons individuelles en Suisse. Les chercheurs et chercheuses ont mené une enquête auprès de propriétaires de maisons construites en 1990 et avant dans le canton de Zurich. Une partie des personnes interrogées avaient déposé une demande de permis pour une rénovation au cours des cinq années précédant l’enquête. Un deuxième sondage a ciblé les expertes et experts qui délivrent le Certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB) – l’un des plus importants documents indiquant la performance énergétique d’un bâtiment en Suisse.
Le plus souvent, les propriétaires rénovent non par calcul, mais par nécessité
Les résultats de la recherche montrent qu’à part les coûts, le manque de clarté des informations dont disposent les propriétaires représente l’un des plus grands obstacles à un assainissement énergétique. La plupart du temps, les ménages ne sont pas suffisamment au fait des possibilités de soutien qui leur sont offertes.
La difficulté d’obtenir les informations peut retarder les décisions en matière d’assainissement énergétique. Il ressort des résultats de l’étude que la majorité des propriétaires ne prévoient une rénovation que lorsque des éléments défectueux ou vieillis doivent être remplacés dans leur maison. En d’autres termes, la plupart n’ont pas tendance à anticiper une telle mesure longtemps à l’avance. Une planification proactive leur permettrait pourtant d’optimiser leurs projets d’assainissement du point de vue énergétique autant que financier.
Mais quels sont les facteurs qui ont alors motivé des ménages à procéder à l’assainissement énergétique de leur maison ? Le fait que les économies financières liées à une consommation d’énergie réduite n’arrivent qu’en quatrième position dans l’enquête est surprenant. Possiblement, les personnes supposaient que vu l’ampleur des investissements, un assainissement n’était pas rentable. Cette hypothèse a pu s’avérer pertinente dans certains cas dans le passé, en raison du prix bas de l’énergie.
Les facteurs suivants ont paru plus décisifs aux personnes interrogées quant à l’opportunité d’un assainissement : la réfection d’éléments endommagés du bâtiment, suivie par des considérations écologiques et l’amélioration du confort d’habitation. De plus, de nombreux propriétaires ont estimé que leur maison avait un niveau d’efficacité énergétique suffisant et qu’il n’y avait donc pas lieu de faire de nouveaux investissements.
Les spécialistes de l’assainissement voient un manque d’information des ménages
La question des causes possibles du faible taux d’assainissement a été posée également aux expertes et experts du CECB. À leur avis, la raison principale est que dans le passé, étant donné le prix bas de l’énergie, il n’était tout simplement pas intéressant économiquement pour une partie des ménages de procéder à un assainissement énergétique. Pourtant, dans un certain nombre de cas, cela aurait été payant – mais les propriétaires n’en avaient pas assez conscience. D’autres raisons avancées par les spécialistes du CECB sont que de nombreux ménages n’avaient même pas songé à un possible assainissement ou n’avaient pas assez facilement accès aux informations nécessaires.
En outre, les expertes et experts ont estimé que la dimension économique n’était pas la motivation principale des propriétaires qui avaient néanmoins procédé à un assainissement. Cette décision tenait beaucoup plus souvent à la nécessité de remplacer des éléments défectueux ou vieillis, à des considérations écologiques ou à l’intention d’améliorer le confort.
Un accès plus facile aux informations pourrait améliorer le taux d’assainissement
Au chapitre des mesures à prendre pour favoriser la mise en œuvre d’assainissements énergétiques, les spécialistes du CECB ont accordé une grande importance à l’information. Les propriétaires, en revanche, ont souhaité en premier lieu des subventions plus élevées de la part de l’État. Un élargissement de l’offre d’information sur les aides financières arrive en deuxième position, suivi de près par la réduction de la bureaucratie : l’effort administratif ne serait souvent pas rentable en considération des faibles montants des subventions.
De l’avis des autrices et auteurs de l’étude, des conseils en énergie, tels que proposés par les spécialistes du CECB, pourraient remédier au manque d’information. Il faudrait des recommandations pour des rénovations efficaces sur le plan énergétique et au sujet de leur financement et rentabilité. Pourtant, la volonté des propriétaires de payer pour de tels conseils est faible, mais des subventions supplémentaires pourraient être envisagées pour résoudre ce problème. Un encouragement proactif des activités de conseil permettrait en outre d’inciter les ménages à planifier leurs projets plus en avance. Par ailleurs, il serait possible d’examiner si une augmentation des subventions existantes aurait un effet positif sur le taux d’assainissement. Toutefois, cela ne deviendra utile qu'une fois que les déficits d'information et de conseil auront été comblés.
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Tobias Wekhof est chercheur au Centre for Energy Policy and Economics de l’EPF de Zurich sur le comportement des ménages en matière d’investissements dans l'efficacité énergétique et sur la finance durable.
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Bibliographie
[1] Swiss Federal Office of Energy (2022) Energy Statistics.
https://www.bfe.admin.ch/bfe/en/home/supply/statistics-and-geodata/energy-statistics.html
[2] Swiss Federal Office of Energy (2022) Le Programme Bâtiments [The buildings program].
https://www.leprogrammebatiments.ch/fr/publications-et-photos/rapports-et-statistiques/
[3] Balthasar A, Schalcher HR (2020) Forschung für die Schweizer Energiezukunft. Resümee des Nationalen Forschungsprogramms «Energie». Hrsg.: Leitungsgruppen der Nationalen Forschungsprogramme «Energiewende» (NFP 70) und «Steuerung des Energieverbrauchs» (NFP 71). Schweizerischer Nationalfonds. Bern.
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Téléchargements/Liens
- ProClim Flash 77: Le tournant énergétique en chantier - approches pour un avenir climatiquement neutre
- Die Rolle von Verhaltens- und Marktversagen als Barriere für energieeffiziente Investitionen in Einfamilienhäusern in der Schweiz
- Barriers to and Determinants for Energy-Efficient Retrofits
- Experts’ Opinions on the Barriers to and Determinants of Energy- Efficient Retrofits