Se protéger de la chaleur

Texte : Martina S. Ragettli, Swiss TPH

Les températures élevées mettent en danger la santé, avant tout des personnes âgées, de celles nécessitant des soins ou souffrant de maladies chroniques, des enfants en bas âge et des femmes enceintes. Vivre dans des quartiers défavorisés et travailler par forte chaleur sont d’autres facteurs de risque. Il ressort de plus de vingt ans de recherches en Suisse et à l’étranger qu’à part leurs effets aigus (tels que coups de chaleur et épuisement), les fortes chaleurs aggravent les maladies chroniques, surtout cardio-vasculaires et respiratoires, et les troubles psychiques. En outre, elles font baisser les performances au travail et accroissent le risque de naissance prématurée. Par temps de canicule, les admissions d’urgence à l’hôpital sont plus fréquentes et les décès plus nombreux. L’effet de la chaleur sur les décès est observé en Suisse à partir de températures journalières maximales de 25 °C et chaque degré de plus accroît notablement la mortalité due à des températures excessives. Les nuits chaudes nuisent à la santé, avant tout des personnes âgées.

Une enquête représentative menée en Suisse pendant l’été 2023 auprès de la population de 50 ans et plus a montré qu’environ la moitié des personnes sont conscientes des risques que de hautes températures estivales représentent pour la santé.¹ Au Tessin et en Suisse romande, cette proportion était nettement plus élevée qu’en Suisse alémanique. Dans nombre de cas, de simples conseils de comportement aident à prévenir les effets néfastes. Il faut, notamment, éviter l’effort physique pendant les heures les plus chaudes, s’exposer le moins possible à la chaleur et boire abondamment. Il ressort de l’enquête que les personnes de 50 ans et plus se sentent certes bien informées sur certaines possibilités de se protéger de la chaleur, mais qu’elles ignorent cependant ou ne mettent pas en pratique de nombreuses mesures comportementales efficaces, telles que l’adaptation de l’alimentation et du dosage des médicaments.

Plan d’action contre la canicule : moins de décès

Depuis l’été caniculaire de 2003, les pouvoirs publics et d’autres acteurs renforcent, à différents niveaux, les mesures de protection de la population. À la sensibilisation et à l’information du public et des professionnels de la santé s’ajoutent des dispositions spécifiques en cas de vagues de chaleur aiguës, par exemple la mise en place de systèmes d’alerte précoce et la protection des personnes particulièrement vulnérables. Ces mesures consistent notamment à adapter les horaires de travail de certaines professions et à accorder plus d’attention aux personnes âgées. Un autre niveau d’action concerne les efforts d’adaptation à long terme, qui visent par exemple à réduire l’exposition à la chaleur dans les villes et les bâtiments.

Une protection efficace contre la chaleur requiert la collaboration de différents acteurs. Dans certains cantons de Suisse romande et au Tessin, le Service du médecin cantonal coordonne déjà les mesures de prévention de différentes autorités et institutions sanitaires et sociales dans le cadre de plans d’action contre la canicule. De tels plans ont été mis en place peu après l’été torride de 2003 ; ils régissent la mise en œuvre des dispositions avant et pendant l’été. Des canaux de communication et des mécanismes appropriés étant établis, il est possible d’agir rapidement quand une vague de chaleur s’annonce. La recherche montre que les régions qui disposent de plans d’action contre la canicule comptent moins de décès dus à la chaleur.

Plus de 500 décès dus à la chaleur en 2023

Pour surveiller à long terme les effets des températures élevées sur la santé, l’Office fédéral de l’environnement, en collaboration avec l’Office fédéral de la santé publique, enregistre depuis 2023 les décès dus à la chaleur dans le cadre d’un monitorage (voir l’article p. 16).² Le nombre de ces décès est estimé chaque année en relation avec les mesures de la température journalière moyenne. Plus de 500 décès dus à la chaleur ont été enregistrés pendant l’été 2023, la plupart dans la tranche d’âge de 75 ans et touchant plus souvent les femmes (60 %) que les hommes.

L’examen de la série temporelle des décès dus à la chaleur, publiée rétroactivement jusqu’en 1980, montre qu’entre 1980 et 2023 cette mortalité spécifique n’a pas augmenté parallèlement à la température estivale moyenne en Suisse (voir la figure). Par exemple, le taux de mortalité lié à la chaleur en 2023, de six décès pour 100'000 habitants, est inférieur à celui d’années antérieures, malgré le vieillissement de la population. On constate notamment que les jours où la température journalière moyenne est modérément haute, il y a aujourd’hui moins de morts dues à la chaleur que par le passé. Cette observation suggère une certaine adaptation de la population à des températures estivales en hausse. Il peut s’agir d’une adaptation physiologique ou de l’effet préventif des mesures de protection contre la chaleur.

Associer les groupes à risque

L’aggravation des épisodes de chaleur extrême donne une importance grandissante aux mesures de protection de la santé. Pour garantir leur acceptation et leur efficacité, il est recommandé d’associer les groupes à risque à l’organisation des campagnes de sensibilisation et à l’élaboration des moyens d’action. Le principe « la santé dans toutes les politiques », c’est-à-dire la prise en compte systématique des questions de santé dans les décisions politiques, prend toute son importance dans la lutte contre le changement climatique. Une protection efficace contre la chaleur présuppose des solutions s’appliquant à la conception de nos villes et de nos maisons, à notre formation et à notre travail quotidien. Des stratégies préventives proportionnées, qui tiennent compte de notre cadre de vie et de notre contexte professionnel, contribuent substantiellement au maintien et à l’amélioration de notre qualité de vie.

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Martina S. Ragettli est épidémiologiste et cheffe de projet à l’Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH).

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Références

[1] Martucci et al. Hitzekompetenz der Bevölkerung 50+ in der Schweiz: Wissen, Betroffenheit, Handeln im Sommer 2023, März 2024. Im Auftrag des Bundesamts für Gesundheit (BAG) und Bundesamt für Umwelt (BAFU).

[2] Ragettli et al. Monitoring hitzebedingte Todesfälle: Sommer 2023. Impact-Indikator «Hitzebedingte Todesfälle». Juli 2024. Im Auftrag des BAFU und BAG.