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Réponse de la science aux questions fréquentes sur la biodiversité

Les questions autour de la biodiversité font l'objet d'intenses discussions dans le monde entier, y compris en Suisse. Pour y répondre, une base solide de données et un large consensus scientifique existent. Le Forum Biodiversité Suisse de l'Académie des sciences naturelles répond ci-dessous aux principales questions.

État: août 2024

La biodiversité en tant que telle

La biodiversité est la diversité de la vie – que ce soit sur la terre, dans un pays, ou simplement dans un jardin. Résultant de plus de 3,5 milliards d'années d'évolution naturelle, la biodiversité constitue la base la plus essentielle de l'existence humaine. On distingue généralement trois niveaux de biodiversité :

  • La diversité des espèces : des bactéries et champignons aux chamois et abeilles sauvages, en passant par l‘Edelweiss ;
  • La diversité des écosystèmes : les marais, les forêts, les lacs, les rivières, et les prairies, par exemples;
  • La diversité génétique, qui désigne la diversité entre les individus d’une espèce.

On parle parfois d‘un quatrième niveau de diversité : celui des interactions entre espèces et entre espèces et leur environnement. Il s’agit par exemple des interactions entre prédateurs et proies, ou de la pollinisation. Les interactions peuvent être complexes et, par des chaînes d'action, des espèces qui n'interagissent pas directement peuvent s'influencer. Le bon fonctionnement des écosystèmes dépend de la stabilité de ces interactions.

Oui. La biodiversité est en net recul, aussi bien en Suisse qu’au niveau mondial. Les populations de nombreuses espèces continuent de diminuer ou se sont carrément effondrées. Toutefois, les effectifs de certaines espèces augmentent également.

Les activités humaines entraînent la disparition de dix à cent fois plus d'espèces que ce à quoi on pourrait s'attendre naturellement (Ceballos et al. 2015), voire même mille fois plus (Pimm et al. 2014). Plus de 44 000 espèces, soit 28% des espèces évaluées, sont menacées dans le monde (IUCN). Par conséquent, les écosystèmes deviennent de plus en plus monotones : les espèces déjà fréquentes deviennent encore plus fréquentes, tandis que les espèces rares continuent de reculer (IPBES 2019).

En Suisse, 35% des espèces évaluées sont menacées ou déjà éteintes (245 espèces), 12% sont potentiellement menacées (OFEV 2023). Cela signifie que des mesures de conservation sont nécessaires pour près de la moitié des 10 844 espèces évaluées. La situation est également préoccupante pour les écosystèmes : sur les 167 types d'écosystèmes évalués en Suisse, 48% sont menacés et 13% sont considérés comme potentiellement menacés (Delarze et al 2016).

Aussi critique que soit la vue d’ensemble, les populations de certaines espèces augmentent (Station ornithologique de Sempach 2024 ou Widmer et al 2021). Même au sein d'un groupe d'espèces, les espèces peuvent évoluer de manière très différente (p. ex. gagnantes et perdantes en raison de la hausse des températures). En conséquence, certains indicateurs de biodiversité sont au « vert » et d'autres au « rouge » (cf. différents indicateurs pour le paysage ou pour la biodiversité). Néanmoins, une tendance à la hausse de la population d'une espèce ne signifie pas encore un renversement de la tendance général. La collecte systématique des données n'a commencé que dans les années 1990, alors que la biodiversité et les écosystèmes étaient déjà en très mauvais état (Lachat et al. 2010).

Pour estimer l’ampleur de la crise de la biodiversité, il est important de faire la distinction entre son état et son évolution. Certaines espèces animales et végétales ont montré une évolution positive claire au cours des dernières années, grâce à des efforts de conservation importants ou à cause du changement climatique. L'état de ces espèces, et de la biodiversité en général, peut cependant quand même être critique. Prenons par exemple une région de 100 ha abritant en moyenne un lièvre et qui en abrite aujourd’hui deux ; l'évolution a beau être positive, l'effectif reste toujours trop faible pour former des populations stables sur le long terme. Nous devons donc réussir à atteindre un état positif, grâce à une évolution positive.

Dans ce contexte, la période que l’on prend en compte joue également un rôle central : en Suisse, les plus grandes pertes de biodiversité ont eu lieu au milieu du 20ème siècle. Ainsi, comparé au 19ème siècle, 90% des marais, 90% des prairies et pâturages secs et 70% des zones alluviales ont disparu (Lachat et al. 2010). Si certaines espèces se portent mieux qu'il y a quelques années, cela ne signifie donc pas pour autant que leur population se porte à nouveau bien (p. ex. la chouette chevêche).

Oui. Les écosystèmes riches en biodiversité sont plus résistants face aux perturbations environnementales et s’en remettent plus rapidement. Ainsi, les épidémies de ravageurs sont rares dans les écosystèmes diversifiés, alors qu'elles sont relativement fréquentes dans les systèmes plus monotones comme les déserts ou les zones agricoles (Hatton et al., 2024). De même, les forêts riches en biodiversité sont plus résistantes et se remettent plus facilement des effets du changement climatique que les forêts ou les plantations fortement modifiées par l'homme (Thompson et al., 2009).

La perte et la fragmentation des écosystèmes ainsi que la dégradation de leur qualité écologique par l'exploitation agricole intensive, les activités de construction (imperméabilisation des sols) et l'utilisation des eaux exercent une pression sur la biodiversité en Suisse. La qualité des écosystèmes est également réduite par l'apport excessif d'azote et les pollutions, notamment les pesticides (OFEV 2022). L'apport d'azote dépasse par exemple le seuil critique dans deux tiers des écosystèmes sensibles (OFEV 2022). En outre, en Suisse aussi, le changement climatique et les espèces exotiques envahissantes, notamment dans les cours d’eau, ont un impact de plus en plus important sur la biodiversité. Ces causes directes du déclin de la biodiversité sont les conséquences de notre mode de vie, c'est-à-dire de nos modes de production et de consommation (alimentation, habitat, mobilité, commerce), de la croissance démographique et de nos politiques, qu’elles soient locales ou globales (IPBES 2019).

Les espèces qui sont considérées comme « nuisibles » par l’humain (par exemple les parasites dans l'agriculture, les tiques, ou les moustiques) font également partie de la biodiversité. Lorsqu'un organisme nuisible se multiplie soudainement de manière importante dans un écosystème, c'est souvent le signe d'une perturbation de l’écosystème. Les espèces exotiques envahissantes font également partie de la biodiversité. Mais comme elles entraînent par définition des coûts et des dommages (écologiques, économiques, sanitaires), on essaie de limiter autant que possible leur importation et leur propagation (OFEV 2022).

Les conséquences pour nous les humains

La biodiversité constitue nos bases vitales : la pollinisation des plantes, la purification de l'air et de l'eau, la formation des sols, la protection contre les inondations et les avalanches, ou la régulation du climat. De nombreux principes actifs médicaux proviennent de la nature, et une biodiversité riche augmente les chances de découvrir de nouveaux remèdes. Une biodiversité riche joue également un rôle décisif pour endiguer les maladies transmissibles telles que les zoonoses et pour prévenir les maladies non transmissibles telles que les allergies, l'asthme et l'obésité ou en réduire les conséquences. Il est prouvé qu'une nature et des espaces verts diversifiés ont un effet positif sur la santé mentale, ce qui prévient aussi indirectement les maladies liées au stress (Forum Biodiversité Suisse, SCNAT 2019). En outre, la biodiversité contribue à notre identité culturelle (« Heimat ») et offre un plaisir esthétique ainsi que des possibilités de détente qui favorisent notre bien-être mental et physique. De plus, le droit à l'existence d'autres êtres vivants et la diversité en soi sont des préoccupations importantes pour de nombreuses personnes.

Oui, beaucoup. Dans le monde entier, les écosystèmes réabsorbent environ la moitié du CO2 émis par les humains (Friedlingstein et al. 2023) et ralentissent ainsi considérablement l'augmentation due aux humains du CO2 dans l'atmosphère. Cette capacité de stockage de la nature diminue toutefois avec la perte de biodiversité (Weiskopf et al 2024). Parallèlement, le changement climatique est l'un des principaux moteurs de la perte de biodiversité, raison pour laquelle la protection du climat et de la biodiversité sont interdépendantes.

La préservation d’écosystèmes intacts et la restauration d'écosystèmes dégradés, en particulier des tourbières, aident à stocker durablement des quantités de carbone qui peuvent être importantes, ou même à fixer davantage de CO2 (Ismail et al. 2021). De telles mesures dites basées sur la nature (« Nature based Solutions ») peuvent également être mises en œuvre sous la forme d'espaces verts et de plans d'eau proches d’un état naturel dans les villes ou dans les zones agricoles. Elles permettent de lutter contre la perte de biodiversité et de réduire la teneur en CO2 de l'atmosphère. Enfin, ces mesures aident à s'adapter aux effets du changement climatique. Ainsi, les forêts de protection, la revitalisation des rivières ou la réhumidification des marais réduisent les conséquences des sécheresses, des tempêtes et des inondations. Dans les milieux urbains, les mesures basées sur la nature contribuent à des températures plus agréables et à la régulation du régime des eaux. La végétalisation des villes a des effets positifs considérables sur la santé humaine. Grâce à la purification de l’air et à la réduction de la chaleur, le bien-être est amélioré et le nombre de décès diminué (Barboza et al 2021).

L'agriculture repose sur une biodiversité saine (FAO 2019). En effet, la production d’aliments dépend par exemple de la régulation naturelle des ravageurs, de la pollinisation des plantes cultivées et sauvages par les insectes, de la promotion de la fertilité des sols, de la protection contre l'érosion et de la sécheresse, ainsi que de l'accumulation et la dégradation de la biomasse végétale. Les surfaces et structures riches en espèces dans les paysages agricoles constituent des réservoirs de biodiversité, entre autres pour les oiseaux et les insectes, qui permettent la pollinisation des cultures, la lutte contre les ravageurs, l’amélioration de la fertilité des sols, la réduction des effets de la sécheresse et la retenue de l'eau. La diversité génétique des plantes cultivées et des animaux d'élevage, ainsi que des espèces sauvages, représente une réserve pour poursuivre la sélection végétale et constitue donc une autre base essentielle d’un système agricole et alimentaire adaptable et résilient.

Dans les régions touristiques suisses typiques, une riche biodiversité constitue la base des expériences en pleine nature et de détente, et donc du tourisme (Ketterer Bonnelame und Siegrist 2014). La plupart des visiteurs des parcs naturels considèrent la beauté du paysage, la nature intacte et le calme du quotidien comme les principales motivations de leur séjour (Knaus 2018). Alors que le tourisme profite de la biodiversité, il a un impact négatif important sur la biodiversité, en particulier dans les régions alpines et les paysages ruraux (Ketterer Bonnelame und Siegrist 2014). La stratégie touristique du Conseil fédéral reconnaît la responsabilité du tourisme de minimiser ses effets négatifs sur la biodiversité (Conseil fédéral 2021).

Gestion

Il existe d’innombrables exemples qui montrent que les mesures de protection de la nature sont efficaces (Conservation Evidence). En Suisse aussi : plusieurs espèces d'oiseaux ont été favorisées efficacement (SBI Priority Species Conservation). Dans le canton d'Argovie, des centaines de nouveaux étangs ont permis de stopper, voire d'inverser le déclin régional de la plupart des espèces d'amphibiens (Moor et al., 2022).

Les premiers résultats du programme de monitoring « Espèces et milieux agricoles » ALL-EMA montrent également que la richesse des espèces est plus élevée dans les surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) que sur le reste de la surface agricole utile et que la biodiversité augmente avec le niveau de qualité des SPB (Rapport agricole 2021).

Le programme de monitoring « Suivi des effets de la protection des biotopes en Suisse » des biotopes d'importance nationale montre que l'état des marais du Plateau s'est amélioré ces dernières années grâce à la régénération des marais (Bergamini et al., 2019). Cependant, de nombreux marais continuent de s'assécher progressivement.

Cela illustre bien la problématique de la promotion de la biodiversité en Suisse : des mesures efficaces sont connues, mais elles sont mises en œuvre de manière trop ponctuelle pour améliorer l'état de la biodiversité à l’échelle nationale. De plus, l'impact des activités néfastes (p. ex. modèles de consommation et de production, subventions dommageables) est souvent plus important que celui de la promotion de la biodiversité.

Non, comme le montrent les rapports de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) sur l'état de la biodiversité en Suisse publiés en 2023 (« Synthèse des listes rouges » et « État et évolution de la biodiversité en Suisse »). L'analyse des effets du plan d'action de la Stratégie Biodiversité Suisse et le rapport succinct de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) de 2021 constatent également que les efforts de la Suisse ne sont pas suffisants pour préserver efficacement la biodiversité.

Plusieurs raisons sont évoquées, dont les déficits de mise en œuvre et d'exécution : en 2021, les mesures de protection et d'entretien n'étaient entièrement mises en œuvre que pour 17% des biotopes d'importance nationale (OFEV 2023). Le manque de ressources humaines allouées à l'OFEV pour la mise en œuvre du plan d'action de la Stratégie Biodiversité Suisse, les lacunes dans les mesures de protection de la biodiversité dans le domaine de l'agriculture et les effets des subventions fédérales dommageables pour la biodiversité ont également été pointés du doigt (rapport succinct CdG-E 2021).

Les bases légales existent et des mesures efficaces ont été testées. Pour atteindre les objectifs de la stratégie Biodiversité, il faut, d'une part, étendre et mieux coordonner à l'échelle nationale les mesures de promotion et, d'autre part, réduire les activités néfastes pour la biodiversité. C'est la seule façon de préserver la biodiversité sur le long terme.

Étendre ainsi les mesures existantes est certes exigeant. Quelques leviers importants sont toutefois connus. Ainsi, il convient de remédier aux importants déficits d'exécution et de mise en œuvre (OFEV 2023, Interface 2013). Pour cela, il est impératif de disposer de ressources humaines et financières suffisantes pour la promotion de la biodiversité ainsi que pour la protection, l'entretien et la restauration des espacess protégées et d'une infrastructure écologique fonctionnelle.

Tous les secteurs de l'économie doivent identifier leurs opportunités de promouvoir la biodiversité et, inversement, leurs effets négatifs sur la biodiversité pour les éviter dans la mesure du possible. La Confédération dispose de grands moyens pour encourager la transformation de l'économie : par exemple, en réallouant les 40 milliards de CHF minimum de subventions directes et indirectes qu'elle octroie à des activités au moins en partie dommageables à la biodiversité (Gubler et al. 2020).

D'un point de vue scientifique, il est clair que le recul de la biodiversité ne peut être stoppé que si suffisamment de surfaces de qualité et bien reliées entre elles sont disponibles. Plusieurs études estiment qu'au niveau international comme en Suisse, environ 30% de la surface d'une région doivent être dédiés principalement à la biodiversité (Guntern et al., 2013 ; Rutishauser et. al, 2023). Ces surfaces peuvent certainement être utilisées, tant que ceci n’affecte pas la biodiversité sur le long terme. Il s'agit par exemple des surfaces de promotion de la biodiversité dans l'agriculture, de la renaturation des cours d'eau, du développement d'espaces verts riches en espèces dans les zones d'habitation et des îlots de vieux bois en forêt. Pour pouvoir véritablement préserver et promouvoir la biodiversité, non seulement de telles surfaces sont nécessaires, mais aussi des espaces protégées avec des restrictions d'utilisation ; de plus, la biodiversité doit être prise en considération sur l’ensemble du territoire, y compris dans les milieux urbains.

L'infrastructure écologique est un réseau de surfaces importantes pour la biodiversité. Elle comprend par exemple les zones alluviales, les marais, les surfaces de promotion de la biodiversité de haute qualité écologique dans l'agriculture, les réserves forestières naturelles et, dans certains cas, les espaces verts riches en espèces dans les zones d'habitation. La Confédération, les cantons et les communes sont actuellement en train de planifier et de mettre en œuvre l'infrastructure écologique. Combinée à une utilisation respectueuse de toutes les surfaces terrestres et des eaux ainsi qu'à des mesures spécifiques de promotion des espèces, l'infrastructure écologique doit permettre de préserver et de promouvoir à long terme la diversité biologique en Suisse.

Il est difficile de chiffrer les coûts nécessaires pour stopper le déclin de la biodiversité. Toutes les études disponibles montrent cependant qu'il est plus avantageux à long terme de protéger la biodiversité que de subir les conséquences d'une nature dégradée (IPBES 2022). Il est par ailleurs clair que la Suisse investit aujourd'hui trop peu dans la conservation et la promotion de la biodiversité. Ce financement insuffisant est particulièrement bien illustré par le cas des biotopes d'importance nationale : même si les dépenses fédérales dans le domaine de la nature et du paysage ont augmenté depuis 2017 (base de données des subventions), les moyens financiers ne suffisent même pas à assurer la préservation des biotopes d'importance nationale (hauts-marais, bas-marais, zones alluviales, sites de reproduction des amphibiens et prairies et pâturages secs) conformément à la loi (Ismail et al. 2009, Martin et al 2017). A l'inverse, il serait possible de réaliser des économies considérables sur les subventions fédérales directes et indirectes élevées ayant un effet dommageable sur la biodiversité, soit au moins 40 milliards de CHF par an, et de promouvoir ainsi simultanément la biodiversité. Actuellement, les subventions dommageables pour la biodiversité coûtent à la Confédération environ 40 à 80 fois plus que ce qu'elle consacre directement à la biodiversité (Gubler et al. 2020).

Oui. Les investissements dans la protection de la nature ont des effets positifs importants sur l'économie et la société, en particulier dans les régions périphériques (OFEV 2020). Selon une étude de la Commission européenne pour la nouvelle loi européenne sur la renaturation, chaque euro investi dans la renaturation génère une valeur économique de 8 à 38 euros (European Union 2022). En outre, les compagnies d'assurance du monde entier ont investi 510 milliards d'euros dans des entreprises qui sont fortement dépendantes des services écosystémiques (SwissRe 2020). Cela montre que de larges pans de l'économie reposent directement du bon fonctionnement des écosystèmes.

Comme les surfaces construites se multiplient, les terres cultivables se font de plus en plus rares en Suisse. Tant la production agricole que la biodiversité sont tributaires des terres cultivables. Il est donc important que la Suisse utilise les surfaces encore disponibles de manière multifonctionnelle et adaptée au site (WBGU 2020).

Sur plusieurs siècles, la biodiversité dans les zones agricoles a été influencée et façonnée par différents modes d'exploitation extensifs. A partir du milieu du 20ème siècle, l'exploitation s'est fortement intensifiée (Stoate et al. 2000). Aujourd'hui, de nombreuses espèces agricoles typiques n'existent plus que grâce à des mesures de promotion (Lachat et al. 2010). C'est pourquoi, outre une exploitation durable, il faut aussi des surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) suffisamment nombreuses, de qualité et mises en réseau, ainsi que d'autres mesures sur les surfaces de production pour préserver les biocénoses de la zone agricole (Walter et al. 2013).

Les SPB permettent souvent de produire moins de denrées alimentaires et de fourrages par surface à court terme, suivant l’emplacement et le type de SPB. Mais à long terme, elles contribuent au maintien de la capacité de production. Les SPB favorisent non seulement la biodiversité elle-même, mais aussi diverses fonctions importantes pour la production agricole, comme la fertilité du sol, la régulation naturelle des ravageurs et la pollinisation (Stöckli et al. 2024). Leur maintien et leur promotion sont essentiels pour une agriculture capable de s’adapter et durable.

Il existe des solutions pour concilier la production et la promotion de la biodiversité. Il s'agit notamment de l'utilisation multifonctionnelle et adaptée au site des terres, des systèmes de production agroécologiques, de la réduction des déchets alimentaires et d'une orientation accrue sur la production et la consommation d'aliments végétaux plutôt qu'animaux, ce qui permet de réduire les besoins en surface. Il est essentiel que la production, la commercialisation et la consommation aillent de pair.

La consommation en Suisse affecte aussi, et dans une large mesure, la biodiversité mondiale. Alors que la part de l'empreinte biodiversité suisse a diminué en Suisse, la pression exercée par la consommation suisse sur la biodiversité à l'étranger a fortement et constamment augmenté ces dernières années (Frischknecht et al. 2018). Plus de 70% de la surface dont la Suisse a actuellement besoin pour sa consommation se trouve en dehors de ses frontières (Yu et al 2013). Par exemple, entre 2015 et 2019, la demande de la Suisse pour les huit matières premières importantes que sont le cacao, la noix de coco, le café, l'huile de palme, la cellulose/le papier, le soja (dont environ 80% pour l'alimentation animale), la canne à sucre et le bois nécessite une surface à l'étranger trois fois plus grande que la Suisse elle-même. Beaucoup de ces pays souffrent d'une forte déforestation (3Keel/WWF 2020).

Moins la Suisse importe de denrées alimentaires et d'autres biens de consommation (p. ex. vêtements), moins les dommages environnementaux à l'étranger sont susceptibles d’être importants. La quantité importée dépend à son tour de la consommation et de la production en Suisse. C’est précisément dans le domaine de l’alimentation, qu’une adaptation de la consommation présente un grand potentiel. Jusqu'à 30% des aliments achetés en Suisse et à l'étranger sont perdus, dont une grande partie est jetée par les consommateurs finaux. Un passage, même minime, à une alimentation plus végétale présente également un grand potentiel, car 60% des surfaces cultivées sont actuellement utilisées pour l'alimentation animale.

La question de savoir si la promotion de la biodiversité réduit la production de denrées alimentaires dépend de la période considérée : à court terme, c'est en partie le cas, à long terme, la biodiversité est au contraire la garante de la production de denrées alimentaires.

Il est en outre important que la Suisse assume sa part de responsabilité dans les efforts mondiaux de promotion de la biodiversité.

Le changement climatique est actuellement la troisième cause du déclin de la biodiversité mondiale et sera probablement la première à partir de 2050 (IPBES 2019). C'est pourquoi les mesures de lutte contre le changement climatique, telles que la promotion des énergies renouvelables, ont également un effet à long terme sur la perte de biodiversité. En Suisse, les installations solaires sur et autour des bâtiments et des infrastructures existantes ont de loin le plus grand potentiel global de production d'énergie renouvelable (Boulouchos et al., 2022) et le plus faible potentiel de conflit avec la biodiversité. Néanmoins, des installations hydrauliques, éoliennes et solaires supplémentaires en dehors des zones constructibles peuvent constituer un complément important sur la voie de la décarbonisation de l'approvisionnement énergétique. Pour de telles installations, le choix du site sur des surfaces déjà dégradées ou peu précieuses d'un point de vue écologique permet de minimiser les conflits (Neu, Ismail et Reusser 2024). Le mieux pour la biodiversité est toutefois de réduire la consommation d'énergie et ainsi les besoins de production d'électricité.

La Suisse a de nombreuses possibilités de promouvoir la biodiversité au niveau international : en influençant les secteurs économiques (p. ex. les matières premières), en adaptant sa consommation, en s'engageant dans le cadre de l'ONU et du Conseil mondial de la biodiversité IPBES, en encourageant les mesures de protection dans les pays émergents et en développement et en encourageant les projets de recherche.

Chaque pays assume en outre une responsabilité internationale particulière pour les espèces dont l'aire de répartition se situe entièrement ou principalement sur son territoire. La Suisse possède de nombreux paysages différents et donc une grande diversité d'espèces sur un petit territoire. Elle abrite également de nombreuses espèces spécialistes de niche écologique, comme les espèces alpines aimant le froid. En Suisse, des espèces prioritaires ont été définies au niveau national sur la base du degré de menace national (listes rouges) et de la responsabilité internationale. Sur les 10 700 espèces évaluées, 3 665 espèces (34 %) sont considérées comme prioritaires au niveau national. Pour 10 % des espèces prioritaires au niveau national, la Suisse a une responsabilité internationale très élevée ou élevée, et pour 22 %, il existe un besoin clair de mesures telles que des programmes de conservation des espèces (OFEV, 2019). De même, sur les 167 types d'écosystèmes, 98 (59 %) sont prioritaires au niveau national : pour 28 % d’entre eux, la Suisse a une responsabilité internationale élevée ou moyenne. Les espèces et les écosystèmes les plus prioritaires se trouvent dans les eaux courantes et leurs rives, les zones humides, y compris les hauts-marais, les forêts, les zones rudérales et les surfaces agricole extensives. Les surfaces présentant le plus grand nombre d'espèces végétales prioritaires se trouvent dans les Alpes.

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