Hivers trop doux : quelles conséquences pour les arbres ?
Une fois de plus, le réveil a sonné trop tôt pour le printemps cette année. Et le risque de gel tardif reste bien réel. Des chercheurs de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL et de l’Université de Neuchâtel étudient les conséquences des températures hivernales trop clémentes sur la végétation en quantifiant expérimentalement les besoins en froid des arbres.
L’hiver 2019-2020 a été le plus doux jamais enregistré en Suisse, le mois de février surtout a atteint des records. Les stations de MétéoSuisse ont mesuré pendant plusieurs nuits des températures qui ne sont pas descendues au-dessous de 10°C, voire 12°C, ainsi que des journées avec des valeurs supérieures à 20°C (par exemple 21,2°C à Delémont dans le canton du Jura le 16 février). Or, pour s’assurer que l’hiver est bien fini et pour permettre une croissance optimale, les arbres et arbustes des climats tempérés ont besoin d’une certaine quantité de froid.
«Lorsque les bourgeons n’ont pas été suffisamment exposés au froid, les arbres ne sortent pas correctement de leur repos hivernal – que les spécialistes appellent la dormance. Au final, certains bourgeons ne parviennent même pas à se développer correctement», explique Frederik Baumgarten, doctorant en biologie à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL. Dans une expérience en cours, le jeune chercheur quantifie expérimentalement les besoins en froid des arbres. Pour cela, il a placé plus de 2000 rameaux de six espèces communes en Suisse dans des chambres climatiques et les a exposés pendant plusieurs semaines à différentes conditions hivernales – plus ou moins froid, plus ou moins longtemps.
Certains l’aiment froid…
Les premiers résultats révèlent que certaines espèces comme le chêne ou le bouleau ont besoin de moins de froid que d’autres pour sortir de leur repos hivernal. Leur développement printanier pourrait par conséquent être de plus en plus précoce au fur et à mesure que le climat se réchauffe. Au contraire, d’autres essences comme le hêtre ou l’érable ont besoin d’une quantité assez importante de froid pour garantir un développement optimal au printemps. « Mes analyses montrent que certaines températures, notamment en dessous de 4°C, sont plus efficaces pour "réveiller" certaines essences, alors que pour d’autres, toutes les températures en dessous de 10°C participent de manière égale à lever la dormance », commente Frederik Baumgarten.
Yann Vitasse, qui supervise la thèse du jeune biologiste au WSL, précise : « Pour l’instant, la quantité de froid permettant de lever la dormance des bourgeons semble toujours suffisante en Suisse pour la plupart des arbres de nos forêts, même après cet hiver. Des températures de fin d’hiver très douces comme celles de cette année stimulent donc le démarrage de la végétation. C’est surtout le cas pour les essences précoces qui ont besoin de moins de froid pour se réveiller, comme beaucoup d’arbres fruitiers, mais aussi les charmes, bouleaux et nombre d’arbustes. » Par exemple, les analyses de longues séries de données effectuées à l’Université de Neuchâtel et au WSL montrent que la floraison du pommier et du cerisier est aujourd’hui plus précoce d’environ deux semaines par rapport aux années 1970.
… mais attention aux gelées printanières
En démarrant ainsi plus tôt en réponse au réchauffement climatique, la végétation pourrait être plus vulnérable face à un gel printanier. Cette année, le risque est déjà élevé à cause de la douceur de février, mais les dégâts effectifs dépendront au final des fluctuations des températures au cours des mois de mars et d’avril. « Toutefois, avec la hausse générale des températures, le risque de gel n’a pas significativement augmenté en plaine, précise la climatologue Martine Rebetez qui a récemment dirigé deux études sur ce phénomène. Au-dessus de 800 m d’altitude en revanche, il s’est légèrement accru. »
En 2016 et en 2017, des événements de gel très dommageables étaient survenus en avril après des périodes déjà très douces. Celui de 2017 surtout avait causé d’immenses dégâts dans les vergers de Suisse, d’Autriche et d’Allemagne. «Mais nos recherches ont montré qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle. Sous nos latitudes, le gel est un risque avec lequel il a toujours fallu composer. D’ailleurs, les dictons traditionnels souhaitaient la pluie jusqu’au début mai, car une couverture nuageuse évite le fort refroidissement nocturne et donc le risque de gel», rappelle Martine Rebetez.
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