Ce portail web explique comment fonctionne l'édition du génome dans la sélection végétale. Il présente des plantes utiles dont le génome a été édité, issues de la recherche en matière de sélection et qui pourraient intéresser la Suisse, et répond aux questions fréquemment posées sur le sujet.

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Questions & réponses

Sur cette page, nous répondons aux questions fréquemment posées sur les opportunités, les risques, les défis ainsi que sur d'autres aspects de l'édition génomique dans le domaine de la sélection végétale.

Questions sur les opportunités et le stade de développement :

Les nouvelles variétés végétales permettent à l’agriculture de produire de la nourriture de haute qualité en quantité suffisante qui respecte autant que possible l’environnement. Elles apportent également une plus-value à l’agriculture en soutenant l’adaptation au changement climatique et aux nouvelles maladies et ravageurs des plantes. L’édition génomique est un autre outil important dont disposent les sélectionneuses et sélectionneurs de plantes. L’un des avantages de l’édition génomique réside dans le fait qu’une modification génétique souhaitée peut être engendrée de manière ciblée à un endroit prédeterminé du génome d’une plante. De cette manière, les autres propriétés de la plante restent inchangées. Cela permet d’accélérer le processus de sélection car des rétrocroisements complexes sont inutiles. Par conséquent, l’édition génomique est particulièrement prometteuse pour les plantes cultivées dont les propriétés peuvent se perdre suite aux croisements et dont le temps de génération est long (par ex. pommier, vigne). L’édition génomique permet également de modifier le génome de manière ciblée à plusieurs endroits à la fois. Ceci est particulièrement utile pour les plantes cultivées dont la génétique est complexe (par ex. le blé tendre qui possède 6 copies du génome) ou lorsque plusieurs gènes doivent être modifiés simultanément (par ex. plusieurs gènes de résistance en vue d’une résistance durable dans le temps).

Selon la base de données d’EU-SAGE, plus de 700 variétés dont le génome a été édité sont actuellement en cours de recherche et de développement dans le monde. Ces applications concernent plus de 60 espèces de plantes différentes (par ex. la tomate, le blé, les pommes de terre, le colza et la vigne) et visent différentes propriétés (par ex. résistance aux maladies et aux ravageurs, composition nutritive optimisée, tolérance à la sécheresse ou au sel). Jusqu’à présent, seules quelques variétés sont cultivées et commercialisées dans le monde. Il s’agit notamment d’une variété de soja dont la composition en acides gras a été améliorée aux États-Unis et de tomates dont la teneur en GABA a été augmentée au Japon.

Aucune variété dont le génome a été édité n’est cultivée ni en Suisse ni en Europe. Il existe seulement quelques essais de recherche. En Suisse et dans l’UE, les variétés issues de l’édition génomique sont considérées comme des organismes génétiquement modifiés (OGM). C’est pourquoi elles sont soumises aux mêmes règles que les variétés développées à l’aide du génie génétique classique. En Suisse, un moratoire interdit la culture de plantes génétiquement modifiées dans l’agriculture. À l’échelle de l’Europe, seuls l’Espagne et le Portugal cultivent un maïs résistant aux insectes modifié par génie génétique classique. En 2023, le Royaume Uni a décidé d’autoriser la culture de plantes dont le génome a été édité en appliquant des conditions d’homologation simplifiées.

Selon l'espèce de plante cultivée et l’objectif recherché par la sélection, l’édition génomique peut accélérer considérablement le processus de sélection. Si l’on croise par exemple une variété cultivée avec une plante sauvage, de nombreuses propriétés souhaitables de la variété se perdent et des caractéristiques non souhaitables apparaissent suite à ce croisement. Plusieurs rétrocroisements sont alors nécessaires pour optimiser ces plantes. Chez des espèces cultivées dont le temps de génération est long (par ex. pommier, vigne), un tel processus de sélection classique peut donc prendre jusqu’à 25 ans. L’édition génomique, en revanche, permet d’introduire de manière ciblée une propriété spécifique chez une variété existante. C’est par exemple le cas de la résistance à certaines maladies qui peut être introduite à partir d’une plante sauvage. Dans ce processus, les autres propriétés restent inchangées. Il faut cependant connaître précisément la base génétique de la propriété recherchée. Il existe de nombreux cas où l’édition génomique peut conduire à de nouvelles variétés plus rapidement et à moindre coût que les méthodes de sélection classiques. Toutefois, le cadre juridique a également une grande influence sur la durée et les coûts d’un processus de sélection. D’après des estimations, par le passé l’homologation d’une variété génétiquement modifiée nécessitait une dépense entre 11 et 16 millions de francs suisses et une durée moyenne de 6 ans en Europe. Concernant les coûts encourus, il convient également de prendre en compte les éventuels droits de licence envers les détentrices et détenteurs de brevets.

Des variétés adaptées au milieu et au climat, résistantes aux maladies et aux ravageurs et permettant d'obtenir des produits végétaux au rendement sûr et de bonne qualité, sont un élément central de tous les systèmes agricoles. L’édition génomique peut faciliter la sélection de telles variétés. Face aux défis actuels et futurs de l’agriculture (par ex. l’objectif de limiter l’utilisation de produits phytosanitaires, la limitation des ressources, le changement climatique), il est souhaitable de poursuivre le développement d’une diversité d’approches différentes. Il serait souhaitable que des approches prometteuses issues de l’agroécologie soient pensées, développées et combinées en synergie avec de nouvelles méthodes de sélection telles que l’édition génomique.

Le changement climatique est susceptible d’entraîner un climat plus chaud et plus sec dans de nombreuses régions. La sélection de variétés qui ne nécessitent que peu d’eau et qui tolèrent des températures plus élevées est un objectif important. D’autres caractéristiques telles que la tolérance au sel, la vitesse de croissance et l’efficacité de la photosynthèse sont également importantes dans le contexte du changement climatique. Certaines propriétés telles que la tolérance à la sécheresse et à la chaleur sont influencées par différents facteurs (par ex. l’architecture du système racinaire, la vitesse d’évaporation par les feuilles) et sont donc le résultat de l’interaction entre différents facteurs génétiques. Grâce à de nombreuses études, la compréhension de la recherche de ces mécanismes moléculaires ne cesse de s’améliorer. Plusieurs projets de recherche appliquée, dont beaucoup utilisent la technologie CRISPR/Cas, suggèrent que la modification de certains gènes seulement peut augmenter, au moins dans une certaine mesure, la tolérance à la sécheresse ou à la chaleur. (La base de données EU-SAGE recense actuellement environ 30 projets de ce type). De plus, l’édition génomique permet de modifier simultanément plusieurs gènes dans le génome d’une plante. Cela pourrait contribuer à améliorer d’avantage ces propriétés complexes. Mais la hausse des températures et l’augmentation de la sécheresse ne sont pas les seules conséquences du changement climatique. De plus, les conditions climatiques modifiées peuvent également accélérer la propagation et l’établissement de nouvelles maladies et de nouveaux ravageurs. La sélection de variétés résistantes aux maladies et aux ravageurs, pour laquelle l’édition génomique peut apporter une contribution importante, est donc un autre objectif de sélection urgent dans le contexte du changement climatique.

Questions sur les risques et les défis :

L’édition génomique permet d’engendrer différents types de modifications dans le génome d’une plante : elles s’étendent d’une simple mutation ponctuelle à l’insertion d’un gène d’une autre espèce (transgène). Une telle modification est réalisée de manière ciblée à un endroit spécifique du génome. Des modifications génétiques involontaires peuvent certes survenir, mais elles sont comparativement très rares. Si l’édition génomique est utilisée pour effectuer des modifications au sein d’une espèce végétale, les risques sont alors comparables à ceux de la sélection végétale conventionnelle. Si l’édition génomique est utilisée pour introduire un transgène, les risques sont comparables à ceux de la transgénèse en génie génétique classique. Après plus de 30 ans de recherche et de mise en application, le génie génétique classique est considéré comme une méthode de sélection sûre. Les risques qui émanent d’une plante cultivée ne résultent donc pas de sa méthode de sélection mais des nouvelles propriétés de cette variété.

Selon l’état actuel des connaissances, des modifications génétiques involontaires ne se produisent pas plus souvent avec l’édition génomique qu’avec les méthodes conventionnelles de sélection végétale. Par rapport à la sélection par mutation qui applique une irradiation ou des produits chimiques, les modifications involontaires sont même nettement plus rares avec l’édition génomique. Cela s’explique par le fait que lors de la sélection par mutation, des mutations sont générées de manière aléatoire à de nombreux endroits du génome de la plante. Avec l’édition génomique, ce n’est pas le cas car la modification se fait de manière ciblée à un endroit précis. L’édition génomique, comme toutes les techniques de sélection, peut certes entraîner des modifications génétiques involontaires. Les études menées jusqu’à présent suggèrent cependant qu’elles sont comparativement très rares. Trois études indépendantes - une sur le coton, une sur le riz et une sur le maïs - ont étudié la fréquence avec laquelle une mutation obtenue par CRISPR/Cas à un endroit spécifique entraîne des modifications indésirables supplémentaires dans le génome des plantes en question. Ces études ont démontré qu’avec cette technique des modifications involontaires (mutations ponctuelles, délétions) sont moins fréquentes que celles qui se produisent naturellement et spontanément dans les plantes. En revanche, la sélection par mutation à l’aide de produits chimiques ou d’irradiation, qui compte parmi les méthodes conventionnelles, s’accompagne d’une fréquence des modifications nettement supérieure au taux de mutation naturelle. La sélection par croisement classique peut elle aussi entraîner des modifications génétiques (délétions, réarrangement de fragments chromosomiques). La fréquence de ce phénomène n’a toutefois pas été suffisamment étudiée.

Les méthodes utilisées pour l’édition génomique évoluent rapidement. Ainsi, la technique dite de « base editing » permet-elle de modifier certaines lettres (nucléotides) du génome. Les modifications involontaires sont encore plus rares dans ce cas.

Les éventuels risques pour la santé qui pourraient émaner d’une variété de plante dépendent de ses propriétés et non pas de la méthode de sélection utilisée. Ainsi, le processus de sélection conventionnel peut également générer des plantes contenant des substances dangereuses pour la santé. C’est par exemple le cas d’une variété de colza contenant trop d’acide érucique ou de pommes de terre contenant trop de solanine. C’est pourquoi toutes les nouvelles variétés sont soigneusement examinées avant d’être admises au catalogue des variétés. Tout comme avec la sélection conventionnelle, l’édition génomique peut-elle aussi entraîner des modifications non souhaitables de certaines propriétés. Là aussi, l’examen de nouvelles variétés garantit en amont l’identification de propriétés préoccupantes pour la santé. En résumé, les variétés autorisées ne présentent aucun risque pour la santé, quel que soit le processus de sélection.

La consommation de telles variétés ne modifie nullement notre patrimoine génétique. Les outils moléculaires (par ex. CRISPR/Cas9) ne sont utilisés que lors du processus de sélection. Ensuite, ils sont soit dégradés soit éliminés par croisement. Ils ne sont donc plus contenus dans le produit final. De plus, les protéines, les molécules d’ADN et d’ARN contenues dans les plantes sont en grande partie détruites lors de la digestion (cela a été explicitement démontré pour la protéine Cas9 dans le cadre d’une étude). Lorsque l’on consomme des aliments dont le génome a été édité, il n’y a donc aucun outil moléculaire actif susceptible de pénétrer dans les cellules humaines.

Selon une nouvelle étude, certaines régions du génome d’une plante sont moins susceptibles de subir des mutations que d’autres. Cela semble être particulièrement vrai pour les régions contenant des gènes dits « essentiels », à savoir des gènes particulièrement importants pour la fonction cellulaire et la survie de la plante. Mais même ces régions importantes du génome ne sont pas totalement protégées contre les mutations spontanées et il est également naturel qu’elles se modifient au fil du temps. Par ailleurs, la sélection par mutation classique (avec irradiation ou des produits chimiques) peut également entraîner des modifications aléatoires dans ces régions. La technologie CRISPR/Cas est également en mesure de modifier de manière ciblée des régions contenant des gènes essentiels. On peut toutefois se demander si l’élimination de gènes essentiels à la survie correspond à un objectif de sélection. Des modifications de ces régions du génome ne résultent donc pas uniquement de CRISPR/Cas, mais elles résultent également de processus naturels et de méthodes de sélection conventionnelles. Elles n’entraînent donc pas non plus de nouveaux risques jusque-là inconnus. Les plantes individuelles dans lesquelles des gènes essentiels à la survie ont été supprimés par la sélection conventionnelle ou l’édition génomique sont éliminées au cours du processus de sélection.

L’édition génomique ne peut être mise en œuvre que si les bases génétiques pour la propriété souhaitée sont présentes dans la plante cultivée. Souvent, les gènes impliqués ne sont pas suffisamment connus, en particulier en ce qui concerne des caractéristiques complexes (par ex. le rendement) et des cultures de niche. Des recherches fondamentales approfondies sont donc nécessaires pour décrypter le patrimoine génétique, comprendre les mécanismes moléculaires et identifier les gènes cibles. Pour pouvoir pratiquer l’édition génomique, il faut en outre maîtriser l’introduction des outils moléculaires tels que CRISPR/Cas dans les plantes, par ex. à l’aide de virus végétaux ou de nanoparticules. De telles méthodes ne sont pas encore éprouvées pour toutes les espèces de plantes cultivées ou bien elles ne fonctionnent que de manière limitée.

Autres questions sur l'édition génomique :

La question de savoir si l’utilisation de l’édition génomique dans le cadre de la sélection végétale est compatible avec les principes de l’agroécologie - ou dans quelles circonstances elle pourrait l’être - fait actuellement l’objet de discussions. L’agroécologie possède premièrement une dimension écologique. Elle vise par exemple le renforcement de l’agrobiodiversité et la réduction ou l’élimination des intrants externes tels que les engrais et les produits phytosanitaires. Elle possède deuxièmement une dimension sociale et politique, citons par exemple la prise de décision par des processus participatifs et le partage des connaissances, le soutien des personnes et des communautés actives dans le système agricole, la mise en place de systèmes alimentaires équitables et le respect des cultures et des traditions locales. Plusieurs voix se font entendre qui soulignent que les variétés obtenues par édition génomique peuvent contribuer aux objectifs écologiques de l’agroécologie. Les variétés résistantes aux maladies, par exemple, nécessitent moins de produits phytosanitaires. Certaines caractéristiques souhaitées pourraient être introduites dans des variétés traditionnelles et des cultures de niche afin de les améliorer et ainsi les rendre plus attrayantes pour les agricultrices ou les consommateurs. Cela favorise la diversité des plantes cultivées. En revanche, la question si l’édition du génome est compatible avec les objectifs sociaux et politiques de l’agroécologie fait l’objet de discussions particulièrement critiques. On craint par exemple que l’édition génomique renforce encore les inégalités et les dépendances existantes dans le système alimentaire mondial, par exemple en raison de la brevetabilité de ces procédés. Vu l’importance des grands défis actuels et futurs auxquels est confronté notre système alimentaire (ressources limitées, changement climatique, etc.), il serait au moins souhaitable de continuer à réfléchir et à échanger de la manière dont l’édition génomique et l’agroécologie pourraient être combinées afin de tirer parti des avantages de ces deux approches pour le bien commun.