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Image : ESO, R. Fosburyen plus

Accélérateur de protons

40 ans de recherche de pointe

Recherche sur les matériaux, physique des particules, biologie moléculaire, archéologie : depuis 40 ans, le grand accélérateur de protons de l’Institut Paul Scherrer (PSI) rend possible de la recherche de pointe dans différents domaines. A ses débuts, il devait permettre d’élucider des questions d’actualité en physique des particules – et a pour cela produit des pions. Par la suite, les installations liées à l’accélérateur ont été élargies, et son faisceau de protons a dès lors aussi servi à produire des neutrons et des muons pour les expériences les plus diverses – souvent dans des domaines de recherche, auxquels personne n’avait pensé au moment de la construction du site. Aujourd’hui, il est possible d’y mener jusqu’à 20 expériences en même temps. Aujourd’hui, le grand accélérateur de protons du PSI fournit l’un des faisceaux de protons les plus performants au monde. Les expériences que les chercheurs et les ingénieurs du PSI y ont accumulées ont aussi servi de fondement à la mise en place de la protonthérapie, grâce à laquelle plusieurs milliers de patients atteints d’un cancer ont été traités avec succès.

Beschleuniger

Un état supraconducteur induit par un champ magnétique intense, de nouveaux matériaux susceptibles d’ouvrir la voie à des accumulateurs sodium-ions, la découverte de méthodes de travail des artisans de l’âge du bronze, de nouvelles mesures du rayon du proton, des tests du modèle standard de la physique des particules élémentaires : voilà cinq exemples, parmi la centaine de résultats de recherche obtenus au PSI à l’aide de neutrons ou de muons, et ayant fait l’objet d’une publication, rien qu’en 2013.

Ces résultats de recherche ont été rendus possibles grâce au grand accélérateur de protons de l’Institut Paul Scherrer. Ce dernier fournit depuis 40 ans, avec une grande fiabilité, un faisceau de protons, qui permet de produire les particules nécessaires aux expériences. Le faisceau de protons commence par frapper deux cibles de carbone, ce qui produit des pions et des muons pour la recherche sur les solides et la physique des particules ; puis il poursuit sa route vers la cible de plomb de la source de neutrons SINQ, où il libère des neutrons pour des analyses dans les domaines de la recherche sur les matériaux, de la biologie moléculaire et même de l’archéologie.

Pendant une fraction de temps, le faisceau complet peut aussi être dévié vers une autre cible de plomb, pour produire des neutrons « ultrafroids » particulièrement lents, avec lesquels les propriétés mêmes des neutrons sont étudiées. Des expériences impliquant le faisceau de protons peuvent être menées simultanément à une vingtaine de postes de mesure – et certaines de ces expériences ne sont possibles qu’au PSI. Le site est en effet le seul au monde à produire des muons en quantité suffisante, pour que la recherche d’une certaine désintégration rare du muon soit susceptible de livrer des résultats en l’espace d’une vie humaine. Et c’est au PSI seulement que sont produits des muons suffisamment lents pour permettre l’étude de matériaux en couches minces.

Pièce maîtresse : l’accélérateur proprement dit

L’accélérateur de protons proprement dit reste souvent dans l’ombre de la recherche qu’il rend possible. Alors qu’il s’agit d’un chef d’œuvre de la technique et d’un projet de recherche en soi. Car pour l’améliorer constamment, il faut des idées nouvelles. Son design de base était déjà novateur en soi : l’accélérateur a été construit sous forme de cyclotron, dont le champ magnétique est produit par huit aimants dipôles, complètement séparés les uns des autres. Cette disposition a permis d’installer entre les aimants quatre cavités très performantes, dans lesquelles un puissant champ électrique alternatif accélère les protons par étapes, au plus hautes énergies. La force centrifuge repousse les protons toujours plus vers l’extérieur : ils avancent ainsi le long d’une spirale, jusqu’au bord de l’accélérateur. Une fois là, ils ont atteint leur énergie finale de 590 MeV, et peuvent être extraient de l’accélérateur, puis dirigés vers les cibles.

Depuis sa mise en service, le courant de protons est passé de 100 μA, à ses débuts, à 2,4 mA – une intensité inconcevable à l’époque, et dont toutes les expériences profitent. Martin Humbel, qui connaît l’accélérateur depuis ses débuts, énumère quelques exemples d’amélioration : « Au début, comme les variations de champs dans les cavités étaient sinusoïdales, les protons ne pouvaient être accélérés qu’aux alentours du maximum, explique-t-il. De fait, si l’on ne voulait pas activer de manière démesurée la région de l’extraction, seuls quelque 4% des protons en provenance du préaccélérateur pouvaient être utilisés. L’addition d’une nouvelle cavité à fréquence triple a doté la structure temporelle du champ d’un plateau, grâce auquel il est devenu possible d’accélérer environ 15% des protons.

Lors de la plus grande transformation réalisée jusqu’ici, les cavités ont été remplacées par de nouvelles structures (les dernières en 2008), qui génèrent des champs plus puissants. Les protons on donc besoin de moins de tours pour atteindre leur énergie finale. L’écart entre les trajectoires des protons s’en trouve élargi, ce qui permet de doubler encore la puissance du faisceau de protons. « Le courant dont on dispose en bout de chaîne ne dépend pas seulement des possibilités d’accélérer les protons. Avec le cyclotron, l’activation de la région d’extraction est le facteur limitatif de l’intensité du faisceau », souligne Martin Humbel. « Autrement dit, réduire les pertes au moment de l’extraction permet d’augmenter le courant. Les améliorations apportées à l’installation ont permis de faire en sorte qu’elle travaille de manière extrêmement ‘propre’. Résultat : 99,99% des protons accélérés sont aussi bel et bien extraits. »

Les débuts: la recherche avec des pions

L’accélérateur de protons a été construit pour la « physique des moyennes énergies », une physique des particules qui étudiait surtout les interactions des pions avec les protons et les neutrons, et dont on espérait qu’elle permettrait de comprendre l’interaction nucléaire forte. « Même si cet espoir ne s’est pas réalisé, les expériences ont livré de nombreux résultats précis, qui sont toujours valables », souligne Klaus Kirch, directeur du Laboratoire de physique des particules au PSI et professeur à l’EPF Zurich.

Avant même la mise en service de l’accélérateur de protons, des chercheurs avaient déjà réfléchi à des expériences en physique des solides. En 1971, lors d’un congrès, une discussion avait été menée sur la possibilité d’utiliser l’accélérateur pour étudier certains matériaux à l’aide de muons. Car on savait que les muons polarisés, qui résultent des désintégrations de pions, pouvaient être utilisés comme sondes microscopiques au cœur des solides. Des expériences correspondantes avaient déjà été conduites au CERN, notamment.

Les premières expériences de ce genre ont été menées en 1975, à l’actuel PSI, avec le procédé de la rotation de spins de muons, avec une première publication est en 1976. « Pendant longtemps, les chercheurs du domaine des solides se partageaient les postes de mesure avec les physiciens des particules, se souvient Elvezio Morenzoni, aujourd’hui directeur du Laboratoire de muonspin spectroscopie au PSI et professeur à l’Université de Zurich. Ce n’est qu’au début des années 1990, que le premier poste de mesure fixe a été mis en place, après l’introduction du service offert aux utilisateur à la source de muons, l’actuelle SμS. » Entre-temps, il existe six postes de mesure fixes pour les expériences avec des muons, qui font l’objet d’une demande assidue de la part de chercheurs du monde entier. En effet, seuls quelques sites mettent à disposition des muons pour la recherche sur les solides. Et le PSI est le seul au monde à proposer des muons lents, qui permettent d’analyser couche par couche des systèmes en couches minces.

Des supraconducteurs aux épées préhistoriques : les neutrons au PSI

On a également pensé très tôt à la possibilité d’utiliser les protons provenant de l’accélérateur pour produire des neutrons. Cette idée avait d’abord été repoussée : le courant de protons n’aurait pas suffit pour produire un flux de neutrons suffisant. Mais ces réflexions n’ont pas tardé à redevenir actuelles. « D’un côté, les spécialistes des accélérateurs avaient montré, que le courant de protons pouvait être intensifié d’un facteur dix, explique Albert Furrer, ancien directeur du Laboratoire de diffusion neutronique au PSI, et l’un des initiants de la source de neutrons. De l’autre, la décision avait été prise de fermer les réacteurs, où la recherche sur les neutrons s’était faite jusque là.

Et en même temps, il était clair que les chercheurs suisses devaient pouvoir disposer de leur propre source de neutrons. » En 1996, la source de neutrons de spallation SINQ était mise en service au PSI. Les protons provenant du grand accélérateur de particules y frappent une cible de plomb et arrachent aux noyaux de plomb les neutrons, qui sont ensuite disponibles pour des expériences. Dès le début, les neutrons sont produits dans deux longueurs d’onde : des neutrons thermique, dotés d’une longueur d’onde courte, qui sont surtout utilisés pour la détermination des structures, et les neutrons froids, qui ont d’abord été ralentis dans du deutérium liquide.

Ces neutrons froids sont particulièrement utiles pour étudier les matériaux et les échantillons biologiques. Aujourd’hui, la source de spallation SINQ est une source de neutrons établie, avec 13 instruments, où chaque année, plus de 400 expériences sont conduites. Des expériences de diffusion de neutrons mettent ainsi en évidence les structures et le mouvement au cœur de supraconducteurs à haute température, de matériaux magnétiques ou de substances biologiques. Des expériences d’imagerie produisent des images de l’intérieur des objets les plus divers : des moteurs à combustion aux objets archéologiques.

De la physique des particules, en-dehors des accélérateurs géants

Le plus souvent, l’expression « Expériences de physique des particules » évoque aujourd’hui des accélérateurs géants, comme le LHC au CERN. Pourtant, l’accélérateur de protons du PSI rend possible la conduite d’une physique des particules, qui représente un important complément à la rechercher au CERN. Au CERN, les particules doivent entrer en collision à des énergies particulièrement élevées, alors qu’au PSI, on exploite le fait que l’on dispose de particules en quantités particulièrement importantes. Cet aspect est essentiel, par exemple, pour la recherche de la désintégration extrêmement rare du muon en un électron et un photon (expérience MEG) : il faut en effet scruter d’énormes quantités de désintégrations de muons pour avoir une chance infime de l’observer. Le fait qu’elle n’ait pas encore été observée jusqu’ici définit une valeur maximale pour la probabilité de cette même désintégration, et exclut certaines versions alternatives du modèle standard. « Avec le succès de la collaboration MEG, toutes les valeurs limites actuelles de désintégrations rares de muons proviennent d’expériences menées au PSI, insiste Klaus Kirch. Et nous nous efforçons de continuer à améliorer l’intensité des muons. »

Autre expérience spectaculaire : la détermination du rayon du proton, lors de laquelle l’électron d’atomes d’hydrogène est remplacé par un muon, et le niveau d’énergie de cet hydrogène muonique est mesuré à l’aide d’un laser– tout cela pendant la courte durée de vie du muon. Comme le muon possède une masse importante, ses niveaux d’énergie réagissent de manière particulièrement sensible à la taille du proton.

En 2011, la source de neutrons ultrafroids du PSI a été mise en service. Elle a sa propre cible, semblable à celle de la source de spallation SINQ, à laquelle le faisceau de protons arrache des neutrons. De gros efforts sont ensuite déployés pour freiner ces neutrons jusqu’à ce qu’ils soient « ultrafroids ». L’objectif est de les utiliser pour étudier les propriétés du neutron proprement dit. Première question que l’on cherche à élucider : le neutron a-t-il un moment dipolaire électrique ? Cette question est importante, si l’on veut comprendre pourquoi il y a plus de matière que d’antimatière dans l’espace.

L’accélérateur par lequel vient la guérison

Depuis 1984, l’accélérateur ne sert pas seulement la recherche : des patients, atteints de certaines formes de cancer, sont aussi traités au moyen du faisceau de protons. Au début, le faisceau de protons utilisé à cet effet provenait, suivant le type de traitement, d’un préaccélérateur du grand accélérateur de protons, ou directement du grand accélérateur. Aujourd’hui, la protonthérapie a son propre accélérateur et trois stations thérapeutiques à disposition. Une situation rendue possible grâce à la compétence des collaborateurs du PSI en matière d’accélérateur.

Communiqué de presse de l'Institut Paul Scherrer, Texte: Paul Piwnicki (publié le 20. 2. 2014)

  • Les chercheurs Lukas Keller et Nikola Egetenmeyer, à l’instrument « DMC », à la source de neutrons à spallation SINQ.
  • L’accélérateur type Cockroft-Walton, premier étage de l’accélérateur de protons.
  • Un patient en train d’être traité pour une tumeur oculaire, à l’installation de protonthérapie OPTIS du PSI.
  • Les chercheurs Lukas Keller et Nikola Egetenmeyer, à l’instrument « DMC », à la source de neutrons à spallation SINQ.Image : PSI/Markus Fischer1/3
  • L’accélérateur type Cockroft-Walton, premier étage de l’accélérateur de protons.Image : PSI/Markus Fischer2/3
  • Un patient en train d’être traité pour une tumeur oculaire, à l’installation de protonthérapie OPTIS du PSI.Image : PSI3/3

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