Ce portail web explique comment fonctionne l'édition du génome dans la sélection végétale. Il présente des plantes utiles dont le génome a été édité, issues de la recherche en matière de sélection et qui pourraient intéresser la Suisse, et répond aux questions fréquemment posées sur le sujet.

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Des tomates résistantes au virus du fruit rugueux brun de la tomate

Tomate avec et sans résistance au virus du fruit rugueux brun
Image : Natascha Jankovski / SCNAT (CC BY-NC-ND 3.0)

L’essentiel en bref

  • Le virus du fruit rugueux brun de la tomate se propage rapidement dans le monde entier, il est difficile à combattre et entraîne des pertes dans la production de tomates.
  • L’édition génomique possède le potentiel d’introduire rapidement et efficacement des résistances dans un grand nombre de variétés de tomates.
  • La combinaison de différents mécanismes de résistance permettrait de renforcer la résistance de ces plants.

Le défi

Le Tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV), également appelé virus du fruit rugueux brun de la tomate, appartient au genre des tobamovirus. Il est apparu pour la première fois en 2014 en Israël. Par la suite, des foyers se sont rapidement répandus dans le monde entier, occasionnant d’importants dommages dans les cultures de tomates. En Europe aussi, des cas sont régulièrement signalés depuis 2018, dont un en Suisse (réf). Les feuilles des plantes infectées se développent moins bien et forment des mosaïques décolorés. Avec le temps, la plante commence à se flétrir et meurt. Les tomates développent des taches jaunes et restent orange les rendant impropres à la vente. Les tobamovirus sont particulièrement dangereux parce qu’ils sont infectieux même en quantités minimes, qu’ils sont très longévifs et qu’ils résistent à la chaleur. Le virus du fruit rugueux brun de la tomate peut donc être facilement transporté sur de longues distances avec des graines contaminées puis être disséminé dans des serres par les mains ou les outils (réf).

La stratégie actuelle

Le virus du fruit rugueux brun de la tomate est considéré en Suisse et dans l’UE comme un « organisme de quarantaine potentiel » (réf) et doit obligatoirement être déclaré et combattu. Jusqu’à présent, les cultures de tomates ne peuvent être protégées qu’au moyen de mesures d’hygiène complexes. En cas de suspicion, il convient d’isoler la zone et de tester les plants suspects. Étant donné qu’il n’est pas possible de traiter les plants déjà contaminés, il faut les arracher en totalité et les incinérer. Les serres concernées doivent ensuite être désinfectées ce qui nécessite beaucoup de travail. Il existe aujourd’hui des premières variétés résistantes au virus du fruit rugueux brun de la tomate. Elles sont cultivées en Suisse à titre expérimental (réf).

Le potentiel des nouvelles méthodes de sélection

Le virus du fruit rugueux brun de la tomate est étroitement apparenté au virus de la mosaïque de la tomate, qui a longtemps constitué la plus grande menace pour la culture de la tomate. Au cours des années 1950 et 1960, deux gènes de résistance au virus de la mosaïque ont été découverts et introduits dans certaines variétés d’élite. En se focalisant sur ces gènes de résistance, la sélection des tomates a certes permis de contenir le virus de la mosaïque pendant 50 ans, mais elle a également entraîné un appauvrissement de la diversité génétique des tomates cultivées (réf). Le virus du fruit rugueux brun de la tomate a désormais surmonté cette résistance et peut se propager rapidement dans les cultures de tomates actuelles. L’édition génomique pourrait contribuer à introduire des mécanismes de résistance supplémentaires aussi bien dans certaines variétés d’élite que dans des variétés anciennes. Cela permettrait d’augmenter assez rapidement la capacité de résistance d’un grand nombre de variétés de tomates contre le virus du fruit rugueux brun de la tomate. Une plus grande diversité génétique des tomates cultivées combinée à plusieurs mécanismes de résistance diminuerait le risque que les résistances des tomates soient à nouveau surmontées et que de nouveaux types de virus apparaissent.

Stade de développement

On sait depuis longtemps que les tobamovirus étudiés dans la plante modèle Arabidopsis thaliana ont besoin de deux gènes spécifiques (TOM1 et TOM3) pour se multiplier. TOM1 est présent chez les tomates sous la forme de cinq variantes (TOM1a-e). En utilisant la technologie CRISPR/Cas9 sur des plants de la variété de tomate commerciale ‘Craigella’, un groupe de recherche a réussi à désactiver les quatre versions pertinentes (a-d) de ce gène. Le système CRISPR/Cas9 a ensuite été éliminé par croisement afin qu’il ne soit plus présent dans le génome. Dans des conditions expérimentales, cette approche s’est révélée très concluante : Quelques jours après l’inoculation avec le virus du fruit rugueux brun de la tomate, aucune particule virale n’a pu être détectée dans les plants de tomates dont le génome a été édité, alors que les plants sans édition génomique étaient fortement infectés par le virus (réf).

Un autre groupe de recherche a réussi à désactiver aussi bien TOM1a que TOM3 en utilisant la même méthode. Ces plants de tomates présentaient également une résistance nettement supérieure au virus du fruit rugueux brun de la tomate que les plants n’ayant pas fait l’objet d’une édition génomique. Les résultats dépendaient toutefois fortement de la variété utilisée (réf).

Perspectives

Cet exemple montre que l’édition génomique permet de désactiver simultanément plusieurs gènes dans des variétés de tomates existantes et d’améliorer ainsi rapidement les résistances aux nouveaux agents pathogènes émergents. Dans les variétés déjà tolérantes ou résistantes au virus du fruit rugueux brun de la tomate, l’inactivation supplémentaire de TOM1/TOM3 pourrait contribuer à une résistance forte et durable, car le virus serait obligé de surmonter plusieurs mécanismes de résistance (réf).

Il semble cependant, que la désactivation de TOM1/TOM3 n’ait pas le même effet dans toutes les variétés. C’est pourquoi l’approche devra faire ses preuves pour différentes variétés et dans des conditions réelles de production. Si cette approche réussit, une grande diversité de variétés de tomates résistantes aux virus pourrait être disponible à l’avenir.